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83-2016 Comité consultatif national sur la stratégie d’engagement d’AANC en vue de la réforme de la protection de l’enfance

Publié : 9 mai, 2017Nouvelles

TITRE: Comité consultatif national sur la stratégie d’engagement d’AANC en vue de la réforme de la protection de l’enfance

OBJET: Protection de l’enfance

PROPOSEUR(E): Lynn Acoose, Chef, Première Nation de Sakimay, Sask.

COPROPOSEUR(E): Arnold Paul, Chef, Première Nation de Temagami, Ont.

DÉCISION: Adoptée par consensus

ATTENDU QUE:

A. En vertu de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones :

  • Article 15 (2): Les États prennent des mesures efficaces, en consultation et en coopération avec les peuples autochtones concernés, pour combattre les préjugés et éliminer la discrimination et pour promouvoir la tolérance, la compréhension et de bonnes relations entre les peuples autochtones et toutes les autres composantes de la société.
  • Article 17 (2): Les États doivent, en consultation et en coopération avec les peuples autochtones, prendre des mesures visant spécifiquement à protéger les enfants autochtones contre l’exploitation économique et contre tout travail susceptible d’être dangereux ou d’entraver leur éducation ou de nuire à leur santé ou à leur développement physique, mental, spirituel, moral ou social, en tenant compte de leur vulnérabilité particulière et de l’importance de l’éducation pour leur autonomisation.

B. Les Appels à l’action nos 1 et 3 de la Commission de vérité et réconciliation affirment la nécessité de procéder à une réforme de la protection de l’enfance des Premières Nations et de mettre pleinement en œuvre le Principe de Jordan. Le premier ministre du Canada a officiellement accepté de mettre en œuvre tous les Appels à l’action

C. En 2007, la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations (Société de soutien) et l’Assemblée des Premières Nations (APN) ont déposé une plainte en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne alléguant que la prestation des services à l’enfance et à la famille, fournis à plus de 163 000 enfants des Premières Nations par les Affaires autochtones et du Nord Canada (AANC), était discriminatoire et que la mise en œuvre du Principe de Jordan était imparfaite, inéquitable et donc discriminatoire en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (TCDP 1340/7008).

D. Le 26 janvier 2016, le Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP) a rendu sa décision (2016 TCDP 2) au sujet de la plainte déposée par la Société de soutien et l’APN en février 2007. Le TCDP a statué que la plainte était fondée et a conclu que les enfants et familles des Premières Nations résidant dans les réserves et au Yukon étaient victimes de discrimination de la part d’AANC quant à la prestation des services à l’enfance et à la famille. De plus, le Tribunal a estimé que la mise en œuvre du Principe de Jordan par le Canada était discriminatoire. Dans sa décision, le TCDP a émis plusieurs ordonnances, notamment :

  • Cesser ses pratiques discriminatoires et réformer le programme des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations (SEFPN);
  • Cesser d’interpréter étroitement le Principe de Jordan;
  • Prendre immédiatement des mesures pour pleinement mettre en œuvre le sens et la portée du Principe de Jordan.

E. Peu de temps après la décision du TCDP du 26 janvier 2016, l’APN et la Société de soutien ont amorcé des discussions avec AANC afin de rétablir le Comité consultatif national (CCN) et les Tables régionales pour surveiller la mise en œuvre de mesures correctives à moyen et long terme découlant de la décision du TCDP et orienter l’ensemble de la réforme du programme. Le CCN et les Tables régionales constituent un comité mixte composé d’experts des services à l’enfance et à la famille des Premières Nations nommés par les Chefs régionaux de l’APN et de représentants de l’APN, de la Société de soutien et d’AANC. Ce processus a déjà été employé lors de l’Examen conjoint de la politique nationale des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations, en 2000, et pour les rapports Wen:de, en 2005. Le ministère des Affaires autochtones et du Nord a accepté le processus dans l’ensemble mais, étant donné qu’il n’a pas répondu à la correspondance en temps opportun, la mise sur pied du CCN a été inutilement et de beaucoup retardée.

F. Le 26 avril 2016 et le 14 septembre 2016, AANC a pris connaissance de deux décisions supplémentaires rendues par le Tribunal canadien des droits de la personne. Le Tribunal a conclu qu’AANC n’avait pas pris les mesures adéquates pour donner suite aux jugements antérieurs. Il a également rendu de nouveaux arrêtés précis concernant le financement des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations et a ordonné au Canada d’appliquer le Principe de Jordan pour tous les enfants des Premières Nations, à l’intérieur ou à l’extérieur des réserves, de cesser toute réunion des parties avant que l’enfant ne bénéficie du service et d’appliquer le Principe à tous les conflits de compétence.

G. En réponse au non-respect par le Canada des jugements du Tribunal, le NPD a présenté une motion de l’opposition le 27 octobre 2016, appelant le gouvernement à se conformer aux décisions historiques du Tribunal qui exigent de mettre un terme à la discrimination envers les enfants des Premières Nations. Le 1er novembre 2016, la motion du NPD a été adoptée à l’unanimité à la Chambre des communes. La motion appelle notamment le gouvernement à :

  • investir immédiatement 155 millions de dollars supplémentaires pour la prestation de services d’aide à l’enfance, soit le manque à gagner calculé pour cette année, et établir un plan de financement pour les années à venir qui mettra fin au manque de fonds systémique qui frappe la protection des enfants des Premières Nations;
  • mettre en œuvre la définition intégrale du Principe de Jordan, conformément à une résolution adoptée par la Chambre le 12 décembre 2007;
  • respecter pleinement toutes les décisions rendues par le Tribunal canadien des droits de la personne et arrêter de se battre devant les tribunaux contre des familles autochtones qui cherchent à avoir accès aux services offerts par le gouvernement fédéral;
  • rendre public tous les documents pertinents liés à la réforme de la protection de l’enfance et à la mise en œuvre du Principe de Jordan.

H. Le 27 octobre 2016, sans consulter l’APN ni la Société de soutien à l’enfance et à la famille, la ministre d’AANC, Carolyn Bennett, a nommé un représentant ministériel spécial (RMS) pour les services à l’enfance et à la famille des Premières Nations, dont le rôle consiste à conseiller le gouvernement dans le cadre de ses activités d’engagement auprès des provinces, des territoires et des agences de protection de l’enfance en vue de réformer le Programme des services à l’enfance et à la famille des Premières Nations.

I. Jusqu’à présent, ces activités ont été dirigées par le RMS, sans consulter l’APN ni la Société de soutien à l’enfance et à la famille, et semblent avoir été menées de façon ponctuelle, sans modalités ni mécanismes de reddition de comptes nécessaires pour clarifier les objectifs et les résultats du RSM ainsi que pour veiller à ce que ses travaux soient conduits conformément à la Déclaration des Nations Unies et aux lois nationales.

J. En vertu des articles 15 (2) et 17 (2) de la Déclaration des Nations Unies, toute activité d’engagement responsable doit être constructive et suivre des modalités précises, établies en consultation avec les Premières Nations et les agences de services à l’enfance et à la famille des Premières Nations, qui définissent clairement l’intention, la portée, les retombées et les mécanismes de reddition de comptes relatifs aux discussions. AANC n’a respecté aucune de ces procédures dans le cadre de son plan d’engagement.

POUR CES MOTIFS, les Chefs en Assemblée:

1. Font part de leur extrême préoccupation en ce qui concerne l’omission du Canada de se conformer pleinement et immédiatement aux décisions du Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP).
2. Appellent le Canada à se conformer immédiatement et sans réserve à toute ordonnance émise par le TCDP.
3. Appuient sans réserve la motion de l’opposition adoptée à la Chambre des communes le 1er novembre 2016 et appellent le Canada à prendre des mesures immédiates pour s’y conformer pleinement.
4. Appellent le Canada à affirmer que le Comité consultatif national (CCN) et la mise sur pied de tables régionales, tel que proposé par l’Assemblée des Premières Nations et la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations, constituent le processus légitime pour conseiller les Chefs et le gouvernement fédéral sur la réforme des services à l’enfance et à la famille des Premières Nations ainsi que sur la mise en œuvre du Principe de Jordan.
5. Appellent le Canada à fournir immédiatement les informations, les ressources et le soutien nécessaires pour que le CCN et les tables régionales entament leurs réunions et achèvent leurs travaux.
6. Informent le Canada que le processus d’engagement du Représentant ministériel spécial (RMS) relatif aux services à l’enfance et à la famille des Premières Nations ne saurait se substituer au processus du CCN et des tables rondes régionales, ni restreindre l’obligation du Canada de se conformer pleinement et adéquatement aux décisions du TCDP.
7. Appellent le Canada à immédiatement réorienter le mandat du RMS en vue d’accroître la capacité interne d’AANC et d’autres ministères fédéraux de mise en œuvre des décisions du TCDP (2016 TCDP 2; 2016 TCDP10; 2016 TCDP 16 et toute ordonnance ultérieure) ainsi que les Appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Cela inclut, mais sans s’y limiter, de transformer la culture opérationnelle d’Affaires autochtones et du Nord Canada afin de promouvoir la non discrimination, la réconciliation et le respect de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et de la Déclaration américaine relative aux droits des peuples autochtones de l’Organisation des États Américains en concevant et en dispensant une formation, assortie de mesures de rendement, à chaque membre de son personnel de fonctionnaires, jusqu’au rang des ministres adjoints, y compris leurs agents, successeurs ou personnel affecté à la fourniture de services aux citoyens des Premières Nations, tant dans les réserves qu’à l’extérieur de celles-ci.

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