Le 31 mars 2017
L’honorable Lynn Beyak, sénatrice
Le Sénat
OTTAWA ON K1A 0A4
Madame la Sénatrice,
Par la présente, je tiens à vous exprimer ma profonde préoccupation à la suite des commentaires que vous avez récemment formulés et que vous maintenez au sujet des pensionnats indiens. La première fois que vos déclarations ont été signalées, ma réaction a été de penser qu’il y avait là une occasion d’apprentissage pour vous et pour tous les Canadiens. Pour qu’il y ait réconciliation, il faut la vérité, et la vérité exige la connaissance de notre histoire commune.
Toutefois vos récents propos indiquent que vous n’êtes pas disposée à recevoir l’enseignement nécessaire et que vous restez campée sur vos positions. Cette attitude est profondément troublante de la part de n’importe quel Canadien, mais elle est franchement choquante de la part d’une sénatrice qui est membre du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.
Tous les Canadiens doivent être sensibilisés davantage à l’histoire des pensionnats indiens et aux répercussions qu’ils ont eues sur des générations d’enfants et de familles des Premières Nations étant donné que nous en souffrons encore aujourd’hui. Vos remarques sont donc profondément blessantes pour nos membres.
Ma génération a subi les conséquences des pensionnats indiens. Il y a tellement de personnes parmi nos parents, grands-parents, oncles, tantes et cousins, qui ont été arrachées à leurs familles aimantes et placées dans des établissements où on leur enseignait que leurs belles langues et cultures étaient primitives et inférieures et devaient être supprimées. Cela seulement suffisait à les blesser, mais à ce malheur s’ajoutaient des sévices physiques et sexuels omniprésents dans les pensionnats. Et il ne faut pas oublier la douleur, la souffrance et le traumatisme des parents et des familles que l’on privait de leurs enfants pendant des mois et même des années. On sait maintenant que certains des jeunes enfants ont été victimes d’expériences médicales. On sait aussi que des milliers ne sont jamais retournés dans leur famille et gisent dans des tombes anonymes. Je ne peux exposer adéquatement toutes les conséquences des pensionnats indiens dans cette lettre, mais je veux vous poser cette question : comment vous sentiriez-vous si vos enfants ou vos petits-enfants vous étaient arrachés de force et traités de la même manière que ceux des Premières Nations?
Vous avez peut-être rencontré des personnes qui parlent positivement du temps qu’elles ont passé dans un pensionnat, mais je vous assure qu’au cours de mes voyages à l’intérieur de notre pays et de mes visites à des centaines de communautés autochtones, j’ai constaté que ces personnes ne constituent qu’une petite minorité dans la multitude des survivants et des non‑survivants.
Vous n’avez pas la connaissance ni la sensibilité requises pour traiter de questions qui peuvent vous être soumises ou parler avec des personnes qui peuvent se présenter devant vous. C’est pourquoi nous vous demandons de démissionner du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones et d’utiliser votre temps pour entreprendre un processus sérieux et engagé de sensibilisation et de compréhension.
Je vous encourage fortement à rencontrer directement des survivants des pensionnats indiens, à entendre leurs récits et à leur poser des questions. Je serais heureux de faciliter ces rencontres et je sais qu’elles pourraient se dérouler d’une manière respectueuse fondée sur les valeurs de partage, de sensibilisation et de réconciliation. Faites-moi savoir dès que possible quand nous pourrions organiser ces rencontres et nous prendrons les dispositions nécessaires.
En attendant, je joins un exemplaire du livre de l’éminent chercheur John S. Milloy, A National Crime: The Canadian Government and the Residential School System, 1879 to 1986. Ce livre est le fruit d’une recherche approfondie qui s’appuie sur des archives, des rapports officiels et d’autres sources. Il ne recourt pas à des expériences anecdotiques ni à des impressions personnelles. Ce livre vous aidera à commencer à comprendre l’histoire, l’intention, l’incidence et les séquelles des pensionnats indiens. Je vous encourage à lire également le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada.
Je vous prie instamment d’ouvrir votre cœur et votre esprit à la réconciliation. Je vous demande d’essayer de comprendre la réalité des pensionnats indiens et je vous invite à parler aux survivants. Je vous exhorte à vous engager réellement à apprendre la vérité dans l’intérêt de vos commettants et de tous les Canadiens. Et en attendant que ce travail soit mis en route, je vous conseille de démissionner de votre poste au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.
Je vous prie d’agréer, Madame la Sénatrice, mes respectueuses salutationsul.
Perry Bellegarde
Chef national
c.c.
Mme Lillian Eva Dyck, sénatrice, présidente du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones
M. Larry Smith, sénateur, leader de l’opposition au Sénat